L’ancien monde, la start-up nation, le château et la Préfète

Depuis deux semaines, la classe politique tourangelle bruisse de rumeurs au sujet du départ de la Préfète d’Indre-et-Loire, Mme Marie Lajus, arrivée il y a un peu plus de deux ans à Tours. Le Canard Enchaîné de la semaine dernière y allait même de ses révélations, affirmant que ce serait une fronde d’élus locaux auprès du ministre de l’Intérieur M. Gérald Darmanin qui aurait provoqué le limogeage de la Préfète, à cause d’un ambitieux projet d’incubateur de start-ups à Reugny qui était bloqué à la suite de l’avis défavorable de l’Architecte des Bâtiments de France, avis que la Préfète avait eu l’outrecuidance de suivre et de faire appliquer, le tout dans le somptueux parc classé du Château Louise de la Vallière et ses arbres remarquables.

Drôle de séquence qui provoque pas mal de remous, la presse hormis la Nouvelle République (NR), ayant signalé le caractère choquant de ce départ précipité. La sénatrice de Charentes Nicole Bonnefoy a pris ouvertement la défense de Mme Lajus en demandant des explications à M. Darmanin, suivie localement par M. Franck Gagnaire, secrétaire du PS37. Une pétition en ligne était également déposée par une association d’éducation populaire en soutien envers la Préfète qui avait laissé de bons souvenirs lors de ses précédents postes, notamment en assumant un légalisme et une portée sociale pour son action de représentante de l’État.

Difficile d’avoir une idée précise sur les véritables raisons du départ de Mme Lajus, tant les informations en off circulent, mais en tout cas le Canard Enchaîné aura eu le mérite de mettre la lumière sur le projet en cours à Reugny et la mécanique intime des liens entre décideurs publics et privés.

Le coup de foudre

Le conte de fées commence en 2018, lorsque Mira Grebenstein visite le Château Louise de la Vallière, en vente pour 1,5 millions d’euros, et qu’elle dit de suite à son mari « ne cherchons plus, pas besoin de visiter les intérieurs, c’est lui que je veux (…) cette maison m’a choisie. Dès que je l’ai vue, j’ai su que j’allais y donner tout mon cœur, ma passion, que j’allais faire en sorte que ce lieu retrouve sa majesté et ses lettres de noblesse ». Après un tel coup de cœur couvert par la NR, tout va très vite et le couple acquiert donc le château de 941m² de surface avec ses plus de quarante pièces et son domaine de 19 ha qui comprend de nombreux arbres remarquables, des jardins à la française, une piscine, une orangerie et quelques autres menus plaisirs, dont un futur conservatoire de la figue, un peu à la façon du conservatoire de la tomate du château de la Bourdaisière, en Touraine également, un modèle sur le plan du marketing, visiblement.

L’année suivante, en 2019, Mira Grebenstein annonce qu’elle va y créer un hôtel de luxe – « le rêve d’une vie » -, elle qui «  est diplômée des plus grandes écoles de management hôtelier de Suisse », une référence. Et à l’automne 2022, le 25 octobre, le grand jour de l’inauguration arrive enfin après quatre harassantes années et plus de 13 millions d’euros dépensés, où chaque matin, Mme Grebenstein « est là à 9 h pour le briefing avec les artisans, tailleurs de pierre, charpentiers, couvreurs, électriciens, menuisiers (…) et l’après-midi, elle court les antiquaires, les salles de vente, elle achète absolument tout, les meubles, les tableaux, les bibelots, la vaisselle, chaque lampe a déjà sa place dans son esprit ».

Quelle soirée les amis !

Tout le monde est là pour la soirée d’ouverture, même la presse mondaine parisienne par l’intermédiaire du média Say Who qui publie les photos de la formidable réception (NDLR : l’article a été retiré le 27 décembre mais on le retrouve dans le webarchive…). On y retrouve François Sarkozy, le frère de, médecin passé par l’industrie pharmaceutique et Aventis pour finir dans le consulting, notamment chez Publicis dont la principale actionnaire est Elisabeth Badinter. Il y a Jean-Pascal Hesse, directeur de la communication de Pierre Cardin et élu Les Républicains à Paris, Frédéric Bouilleux, directeur général adjoint du Château de Chambord, Yves Mirande, consultant en communication et spécialiste du design, notamment dans la presse. N’oublions pas Fabien Vallérian, directeur des arts et de la culture chez Ruinart, la maison de champagne, Amin Jaffer, directeur international du département des arts asiatiques chez Christie’s et Marie-Christine Clément, spécialiste en gastronomie et membre du Conseil d’Administration (CA) de Relais et Châteaux qui répertorie les demeures de charme et la grande restauration, tout en éditant un guide annuel, assez couru par la visibilité qu’il donne aux établissements répertoriés. Côté artistes, on compte bien entendu le décorateur italien Nicola Pelucchi et surtout le cultissime Jacques Garcia, le « roi des décorateurs » qui se sont occupés du château de la Vallière, apportant leur notoriété au projet.

Capture d’écran d’une des photos des convives prise par Michel Huard pour Say Who

La fondation Mansart et le château-business

Jacques Garcia, visiblement très réputé et influent, est par ailleurs membre du CA de la Fondation Mansart, une association qui entend « préserver et faire vivre des patrimoines de grand intérêt, qu’ils soient historiques ou contemporains : sites naturels et paysagers, sites historiques ou architecturaux, collections et musées ». Bien entendu, « la première volonté de la fondation est de préserver le patrimoine de façon durable afin de transmettre aux générations futures des biens de qualité et conservés dans leur intégrité ». Sont justement invités à la soirée d’inauguration du château de la Vallière Alexis Robin, Directeur Général de la Fondation Mansart, mais aussi collaborateur du sénateur LR d’Eure-et-Loir Albéric de Montgolfier – de famille noble –. M. Robin est également adjoint au maire LR de Maintenon, en charge du patrimoine. Il y a aussi Audrey de Montgolfier, l’épouse de monsieur le sénateur. Elle a travaillé pour la fondation et écrit des romans afin de faire vivre un peu plus la mémoire des vieux châteaux oubliés comme ceux de Bagatelle et de Maintenon. Notons d’ailleurs que depuis 2019 le président de la fondation Mansart n’est autre qu’Albéric de Montgolfier lui-même qui, en tant que châtelain dans le sud de la France, est depuis longtemps sensibilisé aux difficultés rencontrées par les amoureux du patrimoine.

La présence en force d’autant de membres de la fondation Mansart n’est pas un hasard, c’est toute une conception de la sauvegarde du patrimoine qui est ainsi mise en avant. En 1983, les propriétaires du Château de Maintenon en Eure-et-Loir donnent le bâtiment et les terrains à une associations qu’ils créent et qui deviendra la fondation Mansart. Cette dernière cède en 2005 au Conseil Départemental d’Eure-et-Loir (CD28) la gestion, l’entretien, l’exploitation et l’animation du Château. A l’époque, le président du CD28 est d’ailleurs… Albéric de Montgolfier. A noter qu’un terrain de golf a été crée en 1988 dans une partie adjacente de la propriété, revendu depuis 2019 à un investisseur chinois. Parallèlement, à partir de 2012, un projet d’hôtel quatre étoiles voit le jour dans une autre partie du parc, immédiatement accolée au château et tout proche du terrain de golf. C’est Jean-Marc de Margerie, passé par un école suisse d’hôtellerie, issu du groupe Taittinger et ancien gestionnaire de palaces parisiens, qui investit dans ce projet ambitieux qui mettra quelques années à se réaliser et fera couler pas mal d’encre, notamment à cause du recours à une boîte bulgare pour comprimer les dépenses du chantier, boîte indélicate qui n’honorait ni salaires ni locations de logement pour les ouvriers. Notons aussi que la rénovation des écuries du château qui sont intégrées en partie au projet hôtelier avait suscité l’émotion de l’architecte des bâtiments de France, mais bon, tout était rentrée dans l’ordre rapidement, les affaires avant tout. Retenez bien ce schéma de fonctionnement mêlant conservation du patrimoine avec le soutien de la puissance publique et la diversification du business autour du château, cette fois par des acteurs du privé, c’est important pour la suite…

Chateau de Maintenon à droite, Hôtel Castel Maintenon à gauche, face au golf

Le beau monde

Revenons à notre sauterie et pour finir, comment ne pas parler de la comtesse Laurence Bizard-Hamilton, ancienne de sciences po Paris passée par Lagardère avant elle-même d’acheter en Touraine le Château de Champchévrier et d’en devenir directrice ? Son mari, le comte Gustaf Hamilton, marchand d’art et de design suédois contemporain est là aussi, non loin du Baron Dominique de la Tournelle, issu de sciences po et passé par Oxbow, Christian Dior, Waterman, Newman, Yves Rocher et Thierry Mugler, tout en s’occupant d’un syndicat de patrons du textile. Une chambre de l’hôtel du Château Louise de la Vallière porte même le nom d’une de ses ancêtres. Émotion.

Ah, et n’oublions pas les politiques. Sont présent à la soirée M. Vincent Morette, maire PS de Montlouis et président de la communauté de communes à laquelle appartient Reugny ainsi que le député de la circonscription d’Amboise, M. Daniel Labaronne. Ce dernier, cadre LREM assez influent et facilement réélu en 2022, avait une carrière politique plutôt en dents de scie du temps où il était étiqueté plus à gauche. Say Who nous confie qu’il « est venu célébrer l’importance de ce projet voyant le jour pour la mise-en-valeur du patrimoine culturel de la région ». Et en effet, le député mouille la chemise pour le projet, il apparaît même en costume d’époque récitant un texte dans la vidéo promotionnelle du château de la Vallière (NDLR : la vidéo a été retirée le 28 au soir alors que la polémique enfle).

Le député Labaronne en costume, récitant un texte dans une vidéo promotionnelle du Château de la vallière.

En tout cas, tous les délicieux convives étaient là pour célébrer le Château, et « marcher dans les pas de Louise de la Vallière, flâner dans les allées du Château et se laisser transporter au temps des rois de France et de leurs favorites. ». Mieux, « à vivre une expérience à la fois sensorielle et temporelle, une véritable immersion au siècle de Louis XIV et de fait dans l’histoire de France, tant sur le plan culturel que patrimonial ». Car il est vrai que « cette maison d’exception trône au milieu d’une forêt ancienne de seize hectares qui abrite une réserve d’espèces animales protégées. Bercés par la nature environnante et les jardins d’agrément, il est infiniment doux de séjourner dans ce havre de paix de Touraine. Au restaurant gastronomique L’Amphitryon (…) le chef élabore le menu avec l’aide d’un historien de la gastronomie. Le temps d’un séjour romantique, les hôtes peuvent également s’offrir une dégustation inoubliable au bar à champagne Le Saint-Évremond ou se détendre dans la piscine extérieure, chauffée toute l’année ». Et ne passons pas à côté du «  Spa « La Rosée » qui emprunte le surnom évocateur de Louise de La Vallière, incarnation de la beauté au XVIIème siècle, par sa grâce et la pureté de son teint. Détendez-vous en salle de soins, dans le jacuzzi, sous la douche sensorielle ». Et bien sûr, il y a les chambres, facturées entre 500 et 900 euros la nuit : « l’élégance du XVIIIème siècle qui se dévoile dans ce grand boudoir au nom de Madame du Barry, la favorite qui aimait Louis XV pour ses qualités d’homme et non pour sa couronne. Les teintes pastels et le mobilier d’époque Louis XV sont le reflet de la personnalité de cette femme, à la beauté sans pareille et aux goûts raffinés. L’intimité et le charme de la salle d’eau sont sublimés par le marbre de Carrare, le trumeau antique et les boiseries. Le boudoir de Madame du Barry s’ouvre sur la cour d’honneur et son rempart du XIIIème siècle».

Petit plus pour vivre le grand frisson de l’Ancien Régime, le personnel du Château est vêtu en costumes d’époque. En tout simplicité.

L’ancien monde rencontre la start-up nation

Plus qu’une célébration du bon goût et du patrimoine, cette soirée du 25 octobre célèbre avant-tout le couple de propriétaires installés en Suisse : Miroslava Grebenstein – dite en toute simplicité Mira -, directrice d’une boîte grossiste en mode de luxe et Xavier Aubry, titulaire d’un prestigieux MBA à la Harvard Business School après des études de vétérinaire, désormais reconverti dans les start-up.

Après ses études, M. Aubry s’oriente rapidement vers le consulting spécialisé dans l’innovation, le management et l’ingénierie de projets. Il est membre du CA d’une association-lobby à Bruxelles qui regroupe les consultants du secteur et il a fondé Zaz Ventures en Suisse, boîte réputée dans l’accompagnement, la coordination et la prise en charge de la rédaction des dossiers de demandes de subvention de labos ou de consortiums public-privé qui développent des projets de recherche en robotique, intelligence artificielle, big data, nanotechnologies, thérapies géniques et technologies issues du quantique. Les deux époux sont au CA de Zaz Ventures, mais c’est Xavier Aubry qui dirige le cabinet, du reste visiblement en bonne santé : plus de 900 millions d’euros de subventions et investissements publics levés depuis 2014 pour les projets accompagnés, avec en général 10% de l’enveloppe qui va à la rémunération du cabinet, soit probablement un chiffre d’affaires dépassant les 10 millions d’euros par an.

En fait, l’implantation du couple en Touraine ne se résume pas à la vie de château et depuis peu, une autre dimension business est apparue. L’esprit hyper-actif des premiers de cordée, que voulez-vous.

En 2021, Zaz Ventures monte une sorte de succursale française qui répond au nom de Da Vinci Labs dont la direction est donnée à Xavier Aubry. La première année, la petite boîte n’a pas d’activité, mais en 2022, elle change d’adresse et occupe les locaux d’une jolie bâtisse que le couple semble également posséder ou du moins louer dans une commune toute proche de Reugny. Da Vinci Labs se consacre, selon les statuts que j’ai pu me procurer, à faire de la «  recherche et du support aux entreprises dans les secteurs de hautes technologies; conseil en formation, recrutement, marketing, communication, et financement de l’innovation; communication et gestion de projets scientifiques; location de bureaux et de matériel de recherche; investissements dans les startups de hautes technologies; organisation d’événements et d’escape games; production vidéos et artistiques; mécénat artistique, scientifique et culturel ». Depuis septembre dernier, la boîte a également intégré la cité de l’innovation Mame, incubateur géré par Tours Métropole et présidé par M. Thibault Coulon, par ailleurs vice-président de la métropole, passionné de numérique… et de catholicisme conservateur. En 2022 donc, Da Vinci Labs a accompagné un consortium spécialisé dans les technologie de la thérapie génique – PAT4CGT – qui a obtenu des subventions européennes et suisses à hauteur de presque 4 millions d’euros, faisant entrer 300 000 euros dans les caisses de la petite entreprise gérée par M. Aubry. Du reste, Da Vinci Labs entend monter en puissance, la boîte est très présente sur les réseaux sociaux, notamment grâce à l’embauche d’un spécialiste de la communication, elle édite un magazine semestriel en ligne et organise des concours autour de « l’art quantique ».

Le château 2.0

Là où les choses deviennent vraiment intéressantes et follement avant-gardistes, c’est que Xavier Aubry a une idée beaucoup plus ambitieuse en tête, celle de fonder un incubateur pour les deeptech, à savoir l’Intelligence Artificielle, les ordinateurs quantiques et la biologie de synthèse. Mieux, ce futur incubateur devait voir le jour dans… le parc du Château de la Vallière, à 100 mètres des bâtiments classés, oui oui, celui « au milieu d’une forêt ancienne de seize hectares qui abrite une réserve d’espèces animales protégées », celui qui suscite l’admiration de la Fondation Mansart , celle qui entend « préserver et faire vivre des patrimoines de grand intérêt (…) les sites naturels et paysagers ».

Attention, on ne parle pas d’une idée en l’air, ce n’est pas le style de Xavier Aubry. Le projet est avancé, le bâtiment est déjà dessiné et il participe même à un concours donnant lieu à des financements de l’Union Européenne – on ne se refait pas – grâce à ses caractéristiques écologiques présentées comme hors du commun, et il est soutenu par la fine fleur de la classe politique locale.

Plan du projet de bâtiment Da Vinci Labs

Le maire de Reugny, M. Nicolas Toker, on l’imagine, peut être aux anges : pensez à la manne sous forme de taxes et de dépenses des futurs pensionnaires de l’incubateur (NDLR : depuis, la municipalité a démenti toute pression dans cette affaire). Le patron de la communauté de communes, M. Vincent Morette, membre du PS – pas de sa branche la plus gauchiste – voit clignoter en grand les mots magiques : développement du territoire. Le Conseil Départemental est aussi de la partie – avec par exemple une subvention de 50 000 euros votée il y a quelques mois -, notamment par l’intermédiaire de son président M. Jean-Gérard Paumier, très influent notable de la droite locale, proche de M. Labaronne, et que l’on donne candidat aux prochaines sénatoriales de 2023. On comprend alors que le projet et ses retombées positives dans nombre de petites communes rurales du coin, ça pourrait se traduire en votes de grands électeurs. Enfin, M. François Bonneau, président PS de la Région Centre depuis un bon moment, et là non-plus, pas le plus bolchévique, très distant par rapport à la Nupes, aux convictions écologiques tout en nuances et visiblement fasciné par le développement économique sauce high-tech, quitte aussi à soutenir l’ancien monde, par exemple en aidant fortement le maintien sous perfusion de l’aéroport de Tours. C’est le programme d’investissement public régional Dev’Up – dont Thibault Coulon est l’un des administrateurs – qui accompagne le projet d’incubateur. On retrouve même des articles à ce sujet dans la NR, mais sous la forme de contenus publi-rédactionnels, c’est à dire que Dev’Up a probablement acheté au journal des espaces pour faire de la communication institutionnelle. On apprend donc que « ce lieu unique de 4000 m² mettra véritablement les technologies quantiques, l’intelligence artificielle et la biologie synthétique au service de la planète. L’enjeu de cette structure de recherche et d’incubation sera en effet de permettre aux startups de répondre de manière compétitive aux défis écologiques de demain, et de faire émerger les futurs champions de nos filières d’excellence (…) Sa concrétisation aura un formidable impact sur l’écosystème local d’innovation ». Elle complétera l’offre d’accompagnement régional des Deeptech et sera aussi un nouvel élément d’attractivité du territoire ! ». De quoi avoir des étoiles dans les yeux et un petit goût de silicon valley arrosée de Montlouis demi-sec.

Photo des élus cités ci-dessus réunis aux côtés du Da Vinci Labs (Morette, Labaronne, Aubry, Bonneau, Toker, Paumier et Coulon).

Les premiers de cordée

Mais Xavier Aubry, il a aussi des contacts dans le business, voyez plutôt. Pour 2023, Da Vinci Labs annonce accompagner deux projets, Swiftt et Equality, autour de l’intelligence artificielle. Mais ce qui aiguise l’appétit de nouveau monde de nos élus, ce sont les partenaires affichés du projet d’incubateur. D’un côté, Pasqal, boîte de recherche en informatique quantique – le grand fantasme actuel – crée en 2019 par M. Alain Aspect, devenu prix Nobel de physique en 2022 et M. Christophe Jurczac. De l’autre, Qubit Pharmaceuticals, créé par Robert Marino et dont Christophe Jurczac est administrateur. Le point commun entre ces deux boîtes porteuses d’espoirs d’innovation et de déferlement de cash-flow est d’être en partie financées par un fonds nommé Quantonation, dirigé par Charles Beigbeder et… Christophe Jurczac. Ce dernier est passé par Polytechnique, Normale Sup, l’ESCP puis la Stanford School of Economics avant d’intégrer des postes importants dans des ministères puis de partir pour Poweo, boîte créée par Charles Beigbeder pour tailler dans les croupières d’EDF après l’ouverture à la concurrence du secteur. Ensuite, il a été ou est encore administrateur d’une petite vingtaine de start-up partout dans le monde avant d’intégrer la direction de Quantonation en 2018. Charles Beigbeder, lui, est le frère de l’écrivain. Il a fait l’école Centrale avant de bosser pour Matra et de s’orienter vers l’activité bancaire chez BNP puis le Crédit Suisse. Il monte et revend des boîtes à toute vitesse et il est actuellement à la tête du fonds d’investissement Audacia, tout en mettant des billes aussi dans les start-up de l’aérien et dans les voitures autonomes. Cultivant plusieurs talents, Charles Beigbeder mène en parallèle une carrière politique. Il tente de prendre la tête du Medef sans succès et il se présente sous l’étiquette UMP à Paris, mais il se fait exclure du parti à cause d’une trahison. Depuis, il milite ouvertement aux côtés de Charles Millon pour l’union des droites, assumant vouloir nouer des alliances avec le RN et se faisant remarquer par ses rencontres sans complexes avec Eric Zemmour il y a quelques années, avec Marion Maréchal et Robert Ménard plus récemment. D’ailleurs, il investit dans des médias et détient des parts des très réactionnaires l’Incorrect et Atlantico. Catholique très pratiquant et membre du Rotary Club, il se dit membre de l’Opus Dei, groupe très conservateur, longtemps compromis avec la dictature Franquiste en Espagne et avec Pinochet au Chili et lié à de nombreux scandales de corruption. Bref, les réseaux autour de Xavier Aubry sont puissants et influents, même s’il faut se méfier de la tentation complotiste, on ne parle pas ici d’une organisation pyramidale en ordre de bataille. C’est davantage une proximité d’intérêts, des sociabilités partagées – ici l’amour du patrimoine – et un certain entre-soi qui animent le monde des affaires et qui constituent des alliances de circonstance.

Un grain de sable dans la mécanique quantique

Petit bémol à ce projet mené de main de maître, c’est l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France qui s’oppose à ce chantier situé à 150 m du Château et qui pourrait dénaturer le site naturel du parc du Château de la Vallière, ce que Xavier Aubry dément, avançant le fait que l’incubateur ne se verrait pas depuis le château et que c’est une partie non classée. M. Aubry propose aussi une solution à 480 mètres du château, sur un terrain agricole non classé, à la limite des 500 mètres protégés et il affirme que cette solution est désormais privilégiée par l’Architecte des Bâtiments de France (ABF). Mais il reste un petit problème, ce terrain n’est pas constructible, il faut donc modifier le Plan Local d’Urbanisme (PLU) à la mairie de Reugny et cela prend du temps, probablement plusieurs mois. Ensuite, il faudra demander de nouveau l’avis de l’ABF pour envisager le début effectif du chantier, mais il semble que Mme Lajus était prête à attaquer devant le Tribunal Administratif un éventuel changement du Plan Local d’Urbanisme (PLU) qui aurait eu pour objectif de rendre expressément ce terrain constructible pour le projet.

La tournure des événements a tout de même douché les espoirs de pas mal d’élus engagés sur le dossier et c’est selon le Canard Enchaîné la raison pour laquelle nombre de notables locaux de la politique ont décroché leur téléphone pour alerter M. Gérald Darmanin du danger de cette Préfète par trop regardante et procédurière, et ce alors qu’il y a eu pas mal de tensions depuis 18 mois, les pratiques de pas mal d’élus locaux étant peu compatibles avec l’approche rigoureuse de Mme Lajus. D’ailleurs, un communiqué de presse du Da Vinci Labs du 25 novembre dernier citait le député Labaronne qui prenait ouvertement parti : « Ce projet ambitieux est conditionné à la modification du plan local d’urbanisme et l’obtention du permis de construire, qui font actuellement l’objet de procédures avec les services compétents. DEV’UP a joué un rôle prépondérant dans ces échanges et nous avons hâte que les discussions aboutissent. Le temps est compté, pour répondre à ces défis planétaires. Et il enfonce le clou auprès de la NR le 2 décembre« il y a un décalage entre la perception de la préfecture avec l’écosystème qui soutient Xavier Aubry. Depuis le début, la DDT (direction départementale des territoires) et la préfecture ne croient pas dans le projet. Est-ce qu’on a peur que la France réussisse ? Chaque mois de perdu est un mois de perdu pour l’industrie française. Quand il y a un projet d’intérêt général, il existe des dérogations ».

l’incubateur du Da Vinci Labs en images de synthèse pour les Echos

Quelques jours plus tard, le 7 décembre, au congrès de l’association des maires d’Indre-et-Loire, Jean-Gérard Paumier prenait la parole et tenait des propos interprétés comme une critique directe de la Préfète, considérant que la confiance entre les élus locaux et la représentante de l’État n’était pas au rendez-vous, et que cela ralentissait la Touraine, propos rapportés par la NR le 10 décembre dans un drôle d’article qui reprenait essentiellement les éléments de langage des élus de la droite et de la ruralité. En fait, à ce même moment à Paris, en conseil des Ministres, Gérald Darmanin démissionnait la Préfète Lajus. Chronologie que des élus de gauche et le Canard Enchaîné n’imputent pas au plus grand des hasards.

À la place est nommé M. Patrice Latron, 61 ans, issu de la formation militaire de Saint Cyr, il devient d’ailleurs chef de groupe puis gravit les échelons chez les chasseurs parachutistes. Dans les années 90 il travaille auprès de Balladur puis Juppé et devient préfet. Il alterne ensuite avec des postes dans les ministères, et prend du galon sous Macron, devenant coordinateur du déploiement du SNU puis est nommé directeur de cabinet de la ministre en charge des anciens combattants. Des militants de gauche dans des départements où il a exercé le qualifient de totalement déconnecté des sujets sociaux et plutôt porté sur le sécuritaire. Vu le contexte de crise et les enjeux politiques ces prochains mois, son profil inquiète pas mal les acteurs de la solidarité et de l’aide aux migrants qui appréciaient travailler avec Mme Lajus et ses services, notamment après les mauvais souvenirs laissés par la précédente Préfète – Mme Corinne Orzechowski – et sa gestion des flux migratoire et des manifs des Gilets Jaune.

Drôle de coin, la Touraine

Voilà, ainsi va la Touraine, enchaînant les hommages permanents à Balzac et à ses histoires de notables ventripotents, mettant en scène la fusion des intérêts politiques et économiques, individuels et claniques, publics et privés, aristocratiques et bourgeois – version high-tech -, avec l’assentiment de certains élus, dans un entre-soi qui ne se dissimule même plus, le tout rendu encore plus explicite avec un décor d’Ancien Régime.

Des hommes d’affaire suisses, un château, des élus, un prix Nobel, des investisseurs, des aristocrates, des subventions, des réseaux, des familles connues, des artistes renommés et l’espoir d’une jolie plus-value. On passe de Balzac aux Pinçon-Charlot tout à coup.

21 commentaires sur “L’ancien monde, la start-up nation, le château et la Préfète

  1. Bravo Josephine, tu nous fais un magnifique cadeau de Noël en allant chercher et en documentant tout ce que le microcosme politique tourangeau a de plus écœurant. Abus de pouvoir, greenwashing, copinage, absence de vision du bien commun et bien -entendu sexisme, pour s’offrir la tête d’une préfète . On ne s’y résignera jamais !
    Marie-Hélène Carlat

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      1. oui, sur au moins petitionenligne qui a été saisi par un directeur d’une structure sociale et culturelle qui avait eu à travailler avec l’intéressée sur un précédent poste où sa probité, comme efficacité avaient pu être évaluées sur le terrain de la vie. Déjà presque trois milliers de signatures à ce moment précis. Il semble exister d’autres manifestations de solidarité et de soutien, tellement la nouvelle est dérangeante, tellement cela semble ainsi nous confirmer que l’intérêt général pouvait s’effacer aussi simplement par une toute banale signature d’un décret, pendant le conseil de ceux qui ont pourtant la charge de le défendre.
        Il est ahurissant que le sommet même de notre nation puisse juste avaliser, ce qui a probablement été une suggestion, sans évaluation de la portée d’un tel acte et de ce que cela dit aux citoyens, en cette période si compliquée.
        Ahurissant et le mot est faible …

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  2. Bonjour. Votre réponse (effacée !) sur le FB de la nounou à la suite de mon commentaire m’a permis de découvrir votre blog. Comme il est agréable d’être bien informé. Félicitations pour cet article fouillé et très bien construit que je n’ai pas hésité a partager largement. Bonne continuation dans cette démarche tellement salutaire. Cdt

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  3. Encore un espace naturel, faunes et flores, de détruit ! Et par une belle bande d’entre-soi !
    Ce qui m’épate, c’est la désinformation, ou le manque de recherche d’informations, des médias locaux ! A moins que ne règne l’omerta auquel cas, Joséphine Kalache, il ne manquait que ton clavier comme arme à informer… Bravo et merci

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  4. Beau travail d’investigation. Cela ouvre le champ à quelques interrogations. Notamment, est ce que toute cette agitation autour des start ups de la tech sert à autre chose qu’à alimenter la fortune des aspirateurs de subventions publiques comme M Aubry ?

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  5. Au vu des grossières erreurs contenues dans cet article à charge, je serais ravi d’échanger pour vous présenter la réalité du projet, au delà des contre-vérités lues ça et la. Peut être pourrait-on alors privilégier les faits à la récupération politique. A vous de voir.

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    1. Bonjour,

      Merci pour votre message, je vous propose donc en toute transparence que vous listiez ci-dessous les grossières erreurs et contre-vérités afin que les lecteurs puissent se faire une idée. Vous pouvez également me transmettre vos remarques à josephine.kalache@gmail.com et j’en ferai une synthèse ou droit de réponse.

      Je suis bien curieux d’avoir cette liste, vu que toutes les informations de l’article sont sourcées et tirées de documents, sites ou déclarations publiques.

      Bien cordialement,
      Joséphine

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    1. As-tu eu les infos sur ces contre-vérités ? J’ai hâte de lire le droit de réponse, ça va être saignant.
      J’ai quelque chose à te proposer, totalement différent de ma 1ere proposition. Peux;-tu vérifier tes spams stp ? Un grand merci et belles fêtes de fin d’année. Pour les voeux, on verra ça au fur et à mesure des nouvelles politiciennes, locales comme nationales, durant janvier…. En tout cas, merci pour le vrai journalisme d’investigation que tu mènes ! Merci et bon courage 🦓

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  6. Comme promis, voici la réponse à mon article de Xavier Aubry, porteur du projet au Château de la Vallière. Je partage ici intégralement son message ainsi que ma réponse.

    « Je vous remercie d’accepter d’ouvrir le débat. C’est tout à votre honneur.
    Je reconnais le travail de recherche qui a produit votre article, mais je ne peux accepter le procès d’intention en ce qui concerne le projet Da Vinci Labs, et les contre-vérités dont il fait actuellement l’objet.

    Je me permet donc de vous fournir des éléments factuels sur ce projet, tous vérifiables auprès des intéressés:

    Sur le projet du Château Louise de La Vallière:

    – il s’agit d’un projet de cœur, où nous avons investi tout notre capital entre 2018 et 2022, en sachant que nous ne pourrions jamais le récupérer (en effet la réhabilitation d’un château n’est jamais rentable).
    – le château avait notamment besoin de sérieux travaux de conservation (façades, toitures, intérieurs, rénovation énergétique) et aucun de ses propriétaires précédents n’avaient pu les entreprendre.
    – il a fallu trouver un modèle économique pour le château, afin d’assurer sa pérennité sur le long terme.
    – il existe différents modèles (ouverture partielle au public pour visite, organisation de mariages ou événements ou encore hôtellerie-restauration) et c’est le troisième que nous avons retenu.
    – point de « château-business » ici, il s’agit simplement de rendre ce projet indépendant de subsides privées (ou publiques) dans le futur.
    – le parc du château contient des chênes et des cèdres du Liban bicentenaires (dont nous demandons le classement en arbres remarquables) et 3 ha de jardin ornemental que nous avons recréé (car il n’existait plus qu’une friche).
    – nous avons investi lourdement dans les travaux d’isolation des bâtiments, la mise en place de double vitrage et le déploiement d’un système de pompes à chaleur réversibles (en remplacement du chauffage au fioul), de façon à réduire la consommation énergétique (et donc l’empreinte carbone) du domaine de plus de 40%.
    – nous avons mis en place un système de traitement des eaux usées par lagunage, qui a l’avantage de ne pas utiliser d’énergie ou de produits chimiques, tout en développant un biotope nouveau où les végétaux (roseaux) servent d’habitat et de nourriture à une faune différente (oiseaux, amphibiens, insectes), ce qui contribue à accroître la biodiversité du domaine.

    Sur le projet du Da Vinci Labs:

    – le projet de bâtiment est un centre de recherche et incubateur à visée environnementale (le bâtiment fait 1250m2 au sol, équivalent à 4000m2 sur 3 niveaux dont un sous-sol).
    – la parcelle pressentie pour accueillir ce projet se trouve à 480m du château, à la limite du domaine (mais dans le périmètre ABF de 500m).
    – le bâtiment est conçu pour disparaître au milieu de cette parcelle, sous la cime des arbres, et ne serait en aucun cas visible depuis le château.
    – la discussion avec l’ABF a toujours été constructive, non seulement sur le projet de réhabilitation du château, que la DRAC a soutenu depuis le départ, mais aussi sur l’implantation du Da Vinci Labs.
    – c’est l’ABF qui nous a indiqué sa préférence pour l’une des deux parcelles du domaine qui ne font pas partie de l’espace boisé classé (la parcelle en bordure de D55).
    – c’est la DDT, sous les ordres de la préfète, qui a envoyé à la commune de Reugny la procédure à suivre pour la mise en conformité du PLU.
    – c’est aussi la DDT qui a exprimé en février 2022 le besoin de crédibiliser le projet, qui ne leur semblait à l’époque pas assez étoffé.
    – le directeur de la DDT nous a donc recommandé de rejoindre des projets de recherche financés par la Commission Européenne, qui valideraient le caractère scientifique et économique du projet
    – nous avons suivi cette recommandation et obtenu fin 2022 l’accord de la Commission Européenne pour démarrer 4 projets de recherche dans les disciplines que nous souhaitions explorer
    – un exemple: le projet SWIFTT qui utilise l’intelligence artificielle et les données satellites Galileo afin de surveiller l’évolution des forêts au regard du risque climatique
    – les coûts de ce projet sont financé à 70% par la Commission Européenne et à 30% par le Da Vinci Labs en fonds propres, il inclut des partenaires français comme le GCF, qui administre plus de 2M ha de forêts
    – le soutien du projet va bien au-delà des élus locaux, et il aurait été plus juste d’utiliser cette photographie (avec un peu plus de mixité!) qui montre les acteurs académiques de Tours et Orléans présents à notre événement de présentation (nous soutenons par exemple la mise en place d’un master en technologies quantiques à l’Université de Tours, initiée par deux enseignant-chercheurs)
    Sur les enjeux environnementaux:
    – nous sommes pleinement conscients des enjeux environnementaux et du cadre légal de l’implantation d’un tel projet.
    – nous avons interdit la chasse en 2018 sur tout le domaine et fait de ce lieu un refuge LPO avec un plan de gestion de la faune et de la flore que nous appliquons strictement.
    – j’ai réalisé moi-même, avec la LPO Touraine, 12 inventaires avi-faunistiques entre début 2020 et début 2021, ainsi qu’une étude des chauve-souris arboricoles de la forêt.
    – la parcelle à l’étude ne s’agit en aucune façon d’un espace boisé classé mais d’une parcelle agricole attenante à la forêt ancienne.
    – la parcelle à l’étude était une friche, avant d’être récemment reboisée (dans les années 2000) avec une clairière centrale et des allées cavalières en étoile.
    – la parcelle à l’étude fait l’objet d’un accompagnement par la LPO et d’un plan de gestion de la faune et de la flore.
    – la parcelle à l’étude fait l’objet actuellement d’une demande de mise en conformité du PLU, et plusieurs études environnementales y ont été conduites par la commune de Reugny afin d’instruire le dossier.
    – la commune de Reugny, en accord avec la loi Climat et Résilience de 2021, suit le principe de « zéro artificialisation nette »: dans le projet de modification de PLU, des terres actuellement constructibles seraient rendues à la nature pour compenser le passage d’une parcelle agricole en zone constructible.
    – le bâtiment lui-même est conçu pour être exemplaire en matière de développement durable avec production d’énergie renouvelable géothermique et photovoltaïque, matériaux biosourcés, faible empreinte carbone (point de greenwashing ici, car les technologies environnementales et leur financement sont notre cœur de métier).
    – enfin, si les études environnementales en cours (ou l’enquête publique à venir) s’avéraient négatives, nous avons déjà identifié deux sites alternatifs (tous deux constructibles) en région Centre-Val de Loire (mais pas sur la commune de Reugny).
    Sur le limogeage de la préfète d’Indre-et-Loire:
    – nous ne comprenons pas son limogeage et nous ne pouvons croire que son départ soit lié (de quelque façon que ce soit) avec le projet Da Vinci Labs ou la mairie de Reugny.
    – nous n’avons jamais rencontré la préfète dans les 18 mois où ce projet a été discuté, mais nos interactions avec les services de l’administration (DDT, ABF, DRARI) ont toujours été constructives.
    – à l’heure actuelle, les études environnementales sont toujours en cours, et la demande de mise en conformité du PLU n’a pas encore été déposée, de sorte que le lieu d’implantation reste à définir.
    – l’acharnement médiatique dont nous faisons l’objet est incompréhensible, au regard des engagements que nous avons pris et démontré, en ce qui concerne la protection des patrimoines culturel et naturel du site de La Vallière à Reugny.
    J’espère que ces détails offriront un éclairage complémentaire à vos lecteurs, et je me tiens à leur disposition pour échanger sur tout sujet.

    Très cordialement,
    Xavier Aubry
    ***************************************************
    Réponse :
    Merci beaucoup pour les précisions.

    Je transmets tel quel aux lecteurs sur FB et sur le blog afin qu’ils puissent prendre connaissance des arguments.

    Quatre remarques de ma part :

    – En ce qui concerne le caractère « à charge » de l’article, je ne suis pas d’accord, je précise en introduction que je ne fais pas mienne l’interprétation du Canard Enchaîné de lien de cause à effet entre le chantier et le départ de la Préfète. D’autres informations circulent et je ne pense pas que des élus locaux – même s’ils pourraient s’en vanter – puissent obtenir une démission d’un haut fonctionnaire en quelques SMS, ni que le ministère de l’Intérieur puisse prendre un tel risque.
    Peut-être que le ton sarcastique donne cette impression, mais je préfère voir ça comme une certaine manière de conserver le patrimoine de la presse satyrique, je sais que l’argument vous parlera.

    – Je prends bonne note de la remarque sur la photo, mais je précise que je n’ai fait que récupérer la photo mise en avant par Dev’Up et la NR

    – J’entends qu’il faille trouver un modèle économique sur la durée pour la château, mais vous pouvez entendre aussi que l’on peut interpréter l’installation de l’incubateur comme un moyen de participer à l’équilibre économique, cette fois en faisant appel à des subventions pour faire tourner la structure, sur le terrain même de la propriété, même si de fait, pas ou peu d’argent public sont expressément fléchés vers la partie château.

    – Je prends également bonne note de la remarque sur la localisation du projet et j’ai d’ailleurs modifié l’article en ce sens, afin de préciser encore la procédure, voilà la partie ajoutée, recoupée par l’article du Figaro d’hier, ce n’était en effet pas clair dans mon article :

    « Petit bémol à ce projet mené de main de maître, c’est l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France qui s’oppose à ce chantier situé à 100 m du Château et qui détruirait et dénaturerait fatalement le site naturel du parc du Château de la Vallière. L’avis a donc été suivie par la Préfète d’Indre-et-Loire, Mme Marie Lajus, d’autant plus que le gouvernement d’Emmanuel Macron multipliait les discours à teneur écologique et portait une nouvelle législation sur le sujet. Finalement, M. Aubry se rabat sur une solution à 480 mètres du château, sur un terrain agricole non classé, à la limite des 500 mètres protégés et il affirme que cette solution est désormais privilégiée par l’Architecte des Bâtiments de France (ABF). Mais il reste un petit problème, ce terrain n’est pas constructible, il faut donc modifier le plan local d’urbanisme à la mairie de Reugny et cela prend du temps, probablement plusieurs mois, avec des études complémentaires. Ensuite, il faudra demander l’avis de l’ABF pour envisager le début effectif du chantier ».

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  7. Merci beaucoup des éclairages apportés par le blog vraiment très bien écrit, superbement documenté, associé à une mise en perspective du sujet, ainsi que par les interventions / réactions des personnes intéressées.

    La nouvelle de la révocation de notre représentante locale a été totalement stupéfiante, quant à la façon, dans un tel contexte qui ne peut que poser franchement question au citoyen.

    Cette simple information de révocation, totalement déstabilisante, autant sur la forme, que sur le fond ne peut qu’inciter à chercher et à comprendre, pour tenter d’infirmer, ce qui hélas s’impose dans l’esprit du grand public, en toute première intention.

    Et en cherchant, par tous les moyens, par toutes les sources ouvertes possibles, que trouvons-nous comme éléments d’informations ? Rien de tangible qui puisse hélas nous rassurer, de la façon dont le pouvoir fait sien, cette pratique inacceptable dans une démocratie, d’une fin qui justifierait les moyens.

    Les mots clefs du sujet justifiant tous les développements médiatiques qui ont suivi s’assoient, au tout départ au minimum, sur les technologies quantiques, l’intelligence artificielle et les biotechnologies.

    Beaucoup de citoyens découvrant ces 3 notions n’ont qu’une très vague idée de ce dont on parle.

    Il est délicat de « balancer » une telle terminologie, sans en détailler les contours, ce qu’ils signifient au juste et à quels enjeux exacts, cela pourrait correspondre.

    Les technologies quantiques, comme l’IA, ainsi que les biotechnologies ne se travaillent pas ailleurs, qu’à proximité d’université, et/ou tout autre microcosme de chercheurs, ingénieurs, étudiants, … qui seront nécessairement proches géographiquement.

    La localisation d’une ruche de compétences n’est pas ailleurs que là où la connaissance et l’excellence existent déjà.

    Ce n’est pas au milieu des bois, ni au milieu des champs, ni en des lieux dénués de tout moyen de transports simples, faciles, accessibles que l’on localise sérieusement un pôle d’excellence où de jeunes et moins jeunes esprits brillants doivent se rencontrer, dans la plus grande facilité.

    Que l’on souhaite aménager le territoire, en transformant un lieu d’une région magnifique et chargée d’histoire peut être un objectif en soi.

    Que l’on essaye de faire d’une pierre deux coups, en tentant une opération d’aménagement du territoire, associé à la création d’un pôle d’excellence, pourquoi pas, mais dans une telle situation, bien franchement ?

    Qui va sérieusement penser, que de jeunes esprits brillants encore à l’université ou à l’école, que de jeunes chercheurs brillants, en activité au sein d’université ou d’écoles spécialisées dans les domaines concernés, vont pouvoir se mobiliser dans des va et vient, entre les métropoles de proximité et un coin de bois, aussi charmant et romantique soit-il, pour se rencontrer et former une équipe de synergie internationale ?

    L’idée en elle même de création d’un pôle d’excellence, d’une ruche d’idées et compétences des domaines précités, est excellente, sans aucune réserve.

    Par exemple, l’IA porte en elle même, des facultés de progrès vraiment importantes, pour peu qu’on en fasse un bon usage. Le moteur d’inférence n’a pas fini de sévir et donc, de nous servir.

    Son couplage aux technologies quantiques, comme l’usage de nouveaux substrats en cours d’expérimentation pourrait même offrir des perspectives très positives pour notre industrie.

    Soyons juste sérieux un instant. Tout cela ne se fera pas, de façon efficace, en synergie, au coin d’un bois, à proximité d’une hôtellerie de luxe, sans l’accès simplifié à des étudiants, des chercheurs, des stagiaires.

    Dire tout cela n’évoque pas les autres aspects environnementaux et réglementaires, pour lesquels, il y aurait beaucoup à dire.

    La révocation d’un représentant de l’état, pour les motifs que tous devinent bien, sans grand suspens, n’est pas digne de notre démocratie.

    Sans vouloir être désobligeant avec quelque partie qu’elle soit, nous sommes nombreux à ne pas vouloir ce glissement de la démocratie actuelle, vers cet « autre chose » qui se manifeste, comme certaines décisions qui heurtent franchement, si l’on considère l’intérêt général, avant l’intérêt particulier. Merci.

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  8. Merci beaucoup pour cet article remarquablement fouillé (opportunément signalé par un lecteur du Monde dans les commentaires). J’ai travaillé en Touraine et ce réseau « culturo politique » m’a rappelé des choses… Il y a un très bon développement dans un bouquin des Pinçon-Charlot (les Ghettos du Gotha, pê, mais je ne suis pas sûre) sur la manière dont les associations patrimoniales, notamment autour des châteaux, sont aussi un vecteur de défense des intérêts de leurs propriétaires.

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  9. Bonjour Joséphine, très bon article sur ce sujet qui commence à prendre de l’importance et peut être ouvrirons les yeux des citoyens? Bravo pour ce travail et meilleurs vœux pour 2023 .

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  10. Incroyable que l’état au plus haut niveau soit devenu facilitateur, dans une telle situation, avec de tels interlocuteurs, à l’heure même où nos vrais chercheurs (ceux qui sont formés, ceux qui disposent des compétences) doivent faire les fonds de tiroirs pour continuer à travailler.
    C’est pas l’idée même d’un tel projet qui pose problème. L’innovation est nécessaire, mais il faut s’en donner les moyens et ça commence par un projet sérieux, avec des objectifs techniques et scientifiques très ciblés, associé à une localisation géographique réaliste, avant même d’en imaginer les financements.
    La localisation souhaitée est dressée comme une hypothèse forte du projet, alors même qu’il n’existe aucune desserte simplifiée du lieu choisi.
    C’est proche d’universités qu’il faudrait monter des ruches de savoir faire, des agrégats de compétences, monter des projets précis, en association avec des industriels qui poseraient leurs besoins (cahier des charges sur productivité de processus, par exemple), pour ensuite rechercher des financements, avec de vrais chercheurs, un véritable environnement proche favorable, qui autoriserait de vrais stagiaires, thésards, alternants et chercheurs à participer activement aux projets ambitieux nécessaires.
    La téléportation n’étant pas complètement au point, comment cela va t-il se passer ? Comment imaginer un déplacement quotidien facilité de toutes ces personnes (souvent de jeunes adultes aux moyens limités) en se localisant à une vingtaine km de Tours, en pleine campagne ?
    Exemple tout simple qui parlera à ceux qui connaissent les lieux, il faut 30 mn minimum entre le parc Grandmont (université, lycée, …) et la cible du projet, en véhicule particulier, sur un créneau sans circulation.
    Sans véhicule particulier, c’est même pas la peine d’y songer, compte tenu de la localisation présentée par le projet.
    En mettant en avant une localisation géographique telle qu’elle est présentée, ce projet montre simplement qu’il s’agit surtout d’une opération de valorisation du lieu géographique considéré et non pas d’un objectif de recherches et d’innovations.
    Si la recherche et innovation sont bien au coeur du projet et donc, l’objectif réel, localisons ce pôle de compétences et recherches en un lieu proche d’universités ou au minimum proche d’une station de la ligne de tramway.
    Mais de grâce, cessons cette hypocrisie qui consisterait à dire que la recherche et l’innovation sont les objectifs réels d’un tel projet. Pas avec une telle localisation géographique déconnectée des réalités des déplacements et va et vient nécessaires.
    Pour pondérer tout cela, il existe un hôtel tout proche, avec même une salle de restauration.
    Cela risque juste d’être un peu au delà des moyens du personnel exerçant en un tel lieu, en comparaison d’une résidence et restaurant universitaire où le ticket repas oscille aux alentours de 3,30 € pour un étudiant non boursier. Le prix fort étant à 8,58 € pour un client passager.
    Cela fait vraiment peine de voir autant de dépense d’énergie, d’autant de monde, pour simplement servir des intérêts particuliers.

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  11. Que vient faire le prix Nobel A. Aspect dans la galère tourangelle ? Un élément de réponse: il est impliqué côté financement dans le fonds d’investissement Quantonation et Zaz-Ventures ici présent, et, côté bénéficiaire, dans Pasqal. La finance, c’est encore plus complexe que la mécanique quantique…

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  12. Votre discrète irrévérence et votre ton drôlatique en disent autant, sinon, plus, sur le fond du dossier, que la narration proprement dite des faits et circonstances.
    Le non-dit devient alors le passager clandestin qui attire l’attention.
    Surtout n’abandonnez pas votre subjectivité (qui reste malgré tout sobre). Vous avez raison de ne pas singer le style techno-soporifique des grandes publications nationales.
    Vive les saveurs du terroir !
    Et on espère une suite.
    On sait qu’Ursula, à la Commission Européenne qui attribue les subventions, s’intéresse à ces domaines, et son époux aussi, qui dirige un labo de thérapie génique.
    La firme Pfizer également.
    Bref, le monde est petit.
    Cordialement

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